Soudan : Les opposants au putsch arrêtés par les forces de sécurités, la communauté internationale fait pression

COUP D’ETAT Selon le ministère de l’Information, des quartiers et des rues ont été bloqués par des véhicules blindés et des femmes ont été traînées au sol
En fin de journée mercredi 27 octobre, les forces de sécurité soudanaises ont affronté des manifestants décidés à maintenir les barricades de leur “grève générale”.
Les forces de sécurité soudanaises tentent d’en finir avec le mouvement d’opposition au coup d’Etat du général Abdel Fattah al-Burhane. En fin de journée mercredi, elles ont affronté des manifestants décidés à maintenir les barricades de leur « grève générale ». Des heurts ont eu lieu notamment dans le très remuant quartier de Bourri, dans l’est de Khartoum où des centaines de manifestants ont jeté des pierres, ou dans la banlieue de Khartoum-Nord où les forces de sécurité ont fait usage de lacrymogènes et de balles en caoutchouc.
Le musellement de l’opposition s’est renforcé, l’un des leaders du plus grand parti du Soudan, l’Oumma, ayant été arrêté ainsi que des militants et manifestants à Khartoum. Dans la soirée, le ministère de l’Information, fidèle au gouvernement déchu, a déclaré dans un communiqué que les forces de sécurité resserraient leur contrôle sur la capitale : « Des quartiers et des rues ont été bloqués par des véhicules blindés et des hommes portant des fusils » et « des femmes ont été traînées » au sol. Il a également exhorté la communauté internationale à enquêter sur les violations contre les manifestants pacifiques.
L’ONU réclame « un retour au processus de transition »
A l’étranger, l’Union africaine et la Banque mondiale ont fait monter la pression sur l’armée : la première a suspendu le Soudan de ses institutions et la seconde a cessé son aide, vitale pour ce pays pauvre plongé dans le marasme économique et miné par les conflits. A l’ONU, le porte-parole Stéphane Dujarric a indiqué que l’émissaire des Nations unies au Soudan, Volker Perthes, avait rencontré mercredi le général Burhane et le Premier ministre Abdallah Hamdok qui « n’est pas libre de ses mouvements ».
Volker Perthes « a réaffirmé » au général Burhane que l’ONU réclamait « un retour au processus de transition » et « bien sûr une libération immédiate de tous ceux qui ont été arbitrairement arrêtés ».
Quatre protestataires tués
L’armée a autorisé le retour mardi chez lui à Khartoum de M. Hamdok, arrêté après le putsch lundi avec la plupart des civils qui composaient le pouvoir de transition. Mais il reste « sous surveillance étroite » selon son bureau. « Hamdok n’a pas pu communiquer ou rencontrer » ses partisans politiques”, a ajouté le ministère de l’Information.
A Khartoum, des pick-up tournent avec des membres des forces de sécurité, tous armés mais en habits civils. « On dirait exactement les forces de sécurité de Béchir », affirme Hanaa Hassan, une manifestante, en allusion au général Omar el-Béchir, qui après un coup d’Etat en 1989 a régné pendant 30 ans sans partage. Quatre protestataires ont été tués et plus de 80 blessés lundi par des tirs des troupes selon des médecins.
Pour les Occidentaux, Hamdok est toujours le Premier ministre
Pour tenter d’expliquer son coup de force, le général Burhane avait invoqué mardi le risque de « guerre civile ». Mais les ambassadeurs occidentaux ont répété que, pour eux, « M. Hamdok est toujours le Premier ministre et son gouvernement le pouvoir constitutionnel ». M. Hamdok, visage civil de la transition au Soudan, a parlé mardi avec le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken et mercredi avec le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.
« Nous ne voulons pas que le Soudan retourne aux heures sombres de son histoire », a tweeté Josep Borrell. Antony Blinken a en outre parlé mercredi à la ministre soudanaise des Affaires étrangères, Mariam al-Sadeq al-Mahdi, selon le département d’Etat, « pour solliciter son point de vue sur les mesures que peuvent prendre les Etats-Unis afin de soutenir le peuple soudanais dans son appel à une transition vers la démocratie menée par les civils ». Moscou en revanche estime que le coup d’Etat est « le résultat logique d’une politique ratée », alors que le Conseil de sécurité de l’ONU n’a pas pu se mettre d’accord sur une déclaration commune sur le putsch.
Grande manifestation prévue samedi
Les militants ont appelé sur les réseaux sociaux à une « manifestation d’un million de personnes » samedi. Les manifestants disent qu’ils ne quitteront pas la rue avant le retour d’un pouvoir civil, dans un pays qui a longtemps vécu sous la férule de l’armée. Fin 2018 et 2019, ils avaient campé des mois jusqu’à forcer l’armée à démettre le président Béchir. Plus de 250 personnes ont péri dans la répression de la révolte.
Deux ans après, « le mouvement de protestation a appris de ses erreurs et est maintenant plus sophistiqué », affirme l’International Crisis Group, car les militants ont « un réseau de comités locaux à travers le pays qui peuvent s’organiser efficacement, même sans Internet ».
Avec AFP