MAMADOU HAMET CISSÉ : SYA YATABARÉ,UNE HÉROÏNE NATIONALE LÉGENDAIRE


collective de Société, les Hommes ont souvent
recours à des pratiques telles pour matérialiser
ou idéaliser, la plupart du temps, les pages les plus glo-
rieuses de leur histoire, parfois à travers récits, contes,
chansons, statues et autres idoles.
Bien souvent, la méconnaissance de certains phéno-
mènes naturels ayant fortement marqué le parcours de
leur Société, est à l’origine d’interprétations qui, de nos
jours laisseraient sceptiques. C’est ainsi que naissent
les mythes de toutes sortes. Les gréco-romains ont dé-
bouché sur le polythéisme (Zeus, Poséidon, Vénus),
chez les persans le dieu-poisson a existé etc. Dans cette
logique, ont vu le jour des héros et des félons (Guéne-
lon). Des récits légendaires racontés par les chroni-
queurs guécérés, Homère, Victor Hugo, les auteurs
classiques français du 17 ème siècle.
Qui ne se souviendrait-il pas d’acteurs mythiques loin-
tains tels que Mama Dinga, Makan Diabé Cissé, Bida,
Sya Yatabaré, Madi Sako, Soundiata Keîta, Toura
Makan, Soumaoro Diarisso dit Kanté, Faliké Diarra,
Late Dior, Priam, Achille, Hector, Andromaque Ulysse,
Pénélope, Hercule …) à des monstres (cyclope, sphinx).
Lorsque la pérégrination des soninko les a conduits de
Soni ( Assouanik en Egypte) jusqu’en Afrique occiden-
tale, ils furent confrontés à une nature bien que fores-
tière qui manquerait d’eau de surface (ce n’est pas sans
rappeler le sud du Mali). Pour faire face aux besoins de
la population immigrée soninkée. Une dispute aurait
éclaté entre Mama Dinga patriarche soninké et la
dame-monstre gardienne du puits. Le patriarche aurait
pris le dessus sur la dame «aux mille bouches » et il
maria les trois filles de celle-ci.
Un serpent géant appelé BIDA, régnait sur la seule
source d’eau en vue. A la suite d’un pacte conclu entre
les soninko (étrangers) et le serpent (maître des lieux)
il a été convenu que chaque sept ans, les prétendants
aux lieux donneraient en sacrifice une jeune fille noble
belle et nubile (vierge).
Madi Sako, guerrier intrépide, avare de mots et au dia-
logue infructueux, serait le fiancé de Sya Yatabaré.
Lorsqu’il se serait agi pour la communauté de désigner
la fille à sacrifier, le choix du collège des Vieux Sages se
serait porté sur Sya Yatabaré. Ce choix serait pour sa
famille le plus grand honneur dont on aurait pu l’en-
tourer.
Madi « Hirakoto » (l’intraitable) ne l’aurait pas entendu
de cette oreille. Il se serait forgé un sabre « si tranchant
qu’une mouche rechignerait à se poser dessus. Il se se-
rait fait fabriquer sur mesures un fourreau pour le sabre
et les chaussures par un cordonnier, maître de la ma-
roquinerie. Après tout le rituel qui sied à ce genre de
cérémonie solennelle et exceptionnelle, pour honorer
le pacte entre Soninko et Bida, Sya la fiancée à deux
prétendants aurait été conduite fièrement au clair de
lune à la grotte nuptiale du serpent.
Lorsque la foule partagée entre émotion et devoir bien
accompli, se serait dissiper, le Bida serait sorti de sa de-
meure en vue de s’emparer de sa proie. Alors aurait
jailli de la fourrée, le descendant des Sako, l’homme qui
ne se dédit jamais, pour trancher la tête du Dieu-pro-
tecteur. Enfin la septième tête s’en serait aller tomber
dans le Bambouc pour commencer à générer du
diamant. Dans un sifflement accompagné d’un éclair
qui n’aurait laissé à personne sans réaction, le Bida en
guise de malédiction aurait déclaré : « Peuple de Wa-
gadou, tu as rompu le pacte, en conséquence durant
sept ans, autant de mois et de jours plus une goutte
d’eau n’arrosera ton territoire ».
Les traces laissés par le meurtrier n’auraient laissé
aucun doute sur l’identité de Madi Sako neveu de
Wakané Sako.
Alors, la soeur de celui-ci mère de Madi s’exclama à son
tour ! « Aussi longtemps qu’il ne pleuvra pas à
Wagadou, ma jarre désormais intarissable
subviendra à tous nos besoins en eau »
La sécheresse se serait établie et les populations au-
raient immigré vers le sud pour constituer plus tard les
fondements de l’empire du Mandé, population qui au-
rait le plus de liens socio-génétiques avec ses cousins
soninko prénoms, patronymes, us et coutumes. Dans
une guerre d’usure soninko et malinko se seraient af-
frontés pour la dernière fois à Kirina où la coalition des
malinko et autres ont mis en déroute, les troupes de «
Soumaourou » Diarisso dit Kanté.
Partis pour les rivages plus prospères du Niger au nord-
est, les soninko finirent par se fondre biologiquement
et culturellement à la population autochtone songhoï
(wangara, wacoré etc) pour ne garder que quelques pa-
tronymes parfois déformés par le milieu.
Dans la mythologie soninkée, le Bida qui de nos jours
apparaît comme un monstre, serait plutôt pour ce peu-
ple soninké, l’équivalant d’un dieu-protecteur (les reli-
gions monothéistes n’étaient pas apparues). Sya
Yatabaré serait-elle une victime ou symboliserait-telle
la jeune fille idéalisée par son courage sa soumission sa
pureté, sa beauté.
Seule la magie du roman (style littéraire souple) mani-
pulée par une plume submergée par des esprits malfai-
sants aura osé dépeindre Sya la vertueuse et les Vieux
sages sans moyens physiques, comme des possédés
sexuels.
MAMADOU HAMET CISSE
Président de l’Association Culturelle Soninkée du Mali